L’arbre têtard
Vous avez dit « têtard » ?
L’arbre têtard se distingue par une taille opérée de façon périodique à la même hauteur (on parle d’émondage) pour récupérer du bois ou faire du fourrage avec les jeunes rameaux.
La coupe des branches (rejets) au sommet de l’arbre, finit par lui donner au fil des ans l’aspect d’une tête boursoufflée caractéristique. Ce grossissement est dû à la formation de bourrelets qui accumulent des réserves, limitent l’intrusion de maladies et favorisent le développement de nouveaux rejets.
Quels arbres ?
Si la plupart des feuillus peuvent être conduits en têtards, dans nos vallées, l’essence la plus utilisée est le Frêne (Frêne commun ou Frêne à feuilles étroites).
D’autres espèces de feuillus sont aussi entretenues en têtard localement : Chênes sessile et pédonculé, Saules pour la production d’osier, Peuplier noir.
Des arbres aux fonctions multiples
L’usage originel de l’arbre têtard est la production de bois de chauffage (produits de taille) ou de bois d’œuvre (troncs, rameaux de saules pour la vannerie, etc.) associée au pâturage. Les feuilles des rejets émondés servaient également de fourrage d’appoint pour le bétail. Entretenus durant des siècles par le monde paysan, ces arbres représentent un patrimoine naturel, paysager et culturel local. Le têtard est également un lieu de vie et de ressources pour de nombreuses espèces animales et végétales. Ils abritent dans leurs cavités et parties mortes des insectes patrimoniaux, notamment des coléoptères saproxylophages (mangeurs de bois morts) comme la Rosalie alpine (1) ou le Grand capricorne. Les cavités servent aussi à la nidification d’oiseaux comme la Huppe fasciée (2), ou les Pics (3). Des petits mammifères (chauves-souris (4), hérisson…) s’y réfugient. Enfin, l’arbre accueille une flore diversifiée : fougères (5), fleurs sauvages, arbres et arbustes, mousses, lichens…
Ainsi, l’arbre têtard constitue un véritable écosystème aux multiples usages qu’il est important de préserver.
Petit têtard deviendra grand…
La première taille a lieu quand le tronc du jeune arbre atteint un diamètre suffisant (5 à 15 cm en moyenne). La coupe peut être réalisée à 50 cm ou à plusieurs mètres, notamment si des animaux pâturent à proximité car la tête de l’arbre et ses rejets doivent alors être hors d’atteinte du bétail. Ensuite, un entretien régulier est réalisé tous les 7 à 15 ans pour « cueillir » les rejets poussant sur la tête et les utiliser en bois de chauffage.
Cette pratique ancestrale ne constitue qu’un risque mineur pour l’arbre si l’émondage est correctement fait. Les plus vieux arbres de France et d’Europe sont souvent des têtards !
Une bonne taille consiste à réaliser une coupe nette au même endroit que la précédente, juste au-dessus du bourrelet où se sont accumulées les réserves, pour faciliter l’émission de rejets.
Il est important de poursuivre régulièrement l’émondage pour éviter à l’arbre des dégâts irréversibles : déracinement, casse au niveau de la tête sous le poids des branches.
L’entretien s’effectue idéalement en période hivernale lors de la phase de repos végétatif.
Il est déconseillé d’étêter pour la première fois un arbre âgé, cela pourrait lui être fatal. La taille de vieux têtards délaissés depuis plusieurs dizaines d’années est une opération délicate.